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LA VIE RURALE.

Un troupeau tout entier s’assemblait sous ses branches ;
Le peuple d’un village y dansait les dimanches ;
Seul enfin, dans nos champs de son ombre couverts,
Il s’élevait plus haut qu’un phare au bord des mers !
Le temps, qui l’assiégeait sans entamer sa force,
Le temps avait creusé sous sa noueuse écorce
Une ouverture, un antre arrondi comme un four,
Une étroite caverne où n’entrait pas le jour.
Que de fois, écoliers rebelles à l’étude,
Nous vînmes nous blottir dans cette fente rude,
Et nous vîmes passer, au versant du ravin,
Le vieux maître grondeur qui nous cherchait en vain !
Combien de fois encor, quand la pluie en novembre
Tombait, ce cher abri, meilleur que notre chambre,
Nous reçut l’un et l’autre, et, longtemps à couvert,
Nous endormit au bruit des rafales d’hiver !

Hier donc, curieux de revoir notre chêne,
J’allais, quand tout à coup, aux confins de la plaine,
Un spectacle m’arrête, et, saisi de pitié,
Je ne vois qu’un débris de l’arbre incendié.
La flamme avait rongé, de la racine au faîte,
Ce chêne hospitalier, notre orgueil, notre fête,
Consumé la couronne à son front souverain,