Page:Autran - Œuvres complètes, t2, 1875.djvu/313

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
302
LA VIE RURALE

Fait-elle tout son soin de la sagesse ? Non ;
Elle n’a qu’un souci : voir de près la Ninon.
Quelle est de ses amants la plus récente liste ?
Où loge son coiffeur, lequel vaut un artiste ?…
De ces menus détails, scabreux à raconter,
Qu’un auteur fasse un livre, elle court l’acheter ;
Qu’en drame pathétique il arrange la chose,
Elle y court la première et de larmes l’arrose.
Que dis-je ! autre scandale à tes yeux familier,
Que Ninon à l’encan mette son mobilier,
Qu’on annonce à grand bruit cette vente, l’épouse
Y court encor, fiévreuse, et de tout voir jalouse ;
Et la plus vile aiguière, instrument de mépris,
À ses yeux se transforme en relique sans prix !

Oui, telles sont, ami, les mœurs que tu contemples.
Je ne m’étonne plus, devant de tels exemples,
Que la plume s’attriste et pleure sous tes doigts.
Or, pendant ce temps-là, sais-tu ce que je vois ?
Belle autant que jamais, je vois fleurir la terre ;
Je vois briller aux cieux l’azur que rien n’altère ;
Ainsi qu’aux plus beaux jours, de tendresse enivré,
L’oiseau chante, et les lis n’ont pas dégénéré !