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LA VIE RURALE.

Rachel, ce soir, débite aux esprits enchantés
Les grands vers immortels que Phèdre a sanglotés.
Que dis-tu de cet art qui vous prend aux entrailles ?
Dieu me damne ! je crois, mon ami, que tu bâilles.
La grande Melpomène est pour toi sans appas.
« C’est sublime ! » dit-on ; fort bien. Tu ne vois pas
Ce qui des auditeurs peut séduire l’élite.
Tu demeures pour Phèdre aussi froid qu’Hippolyte,
Et tu goûterais mieux, sur deux ais de sapin,
Quelques bons coups de pied reçus par un Scapin.
On chante à Ventadour : vas-tu prendre une stalle ?
Tu la prends, car il sied en ce lieu qu’on s’étale ;
La mode ainsi le veut et tu suis le troupeau.
C’est Rossini qu’on donne ; est-il rien de plus beau ?
Le ténor, débarqué l’autre soir de Russie,
Dit sans effort sa note à souhait réussie ;
Desdémone a le chant de l’oiseau, la diva
Étincelle et jamais si haut ne s’éleva !
Qu’en dis-tu ? C’est divin. Cependant sois sincère :
Tu sais une musique aussi bonne et moins chère,
C’est celle qui jadis, aux danses du hameau,
Enflait pour tes pareils l’outre d’un chalumeau.

Poursuivons. Dans la sphère où ton orgueil te porte,