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LA VIE RURALE.

Eh bien, si je n’ai plus ces ivresses de l’âme
Que la fièvre des sens échauffait de sa flamme ;
Si je n’ai plus l’élan qui pousse aux fiers travaux,
D’un autre âge plus mûr je tiens des dons nouveaux.
Si je n’ai plus l’éclat du matin qui se lève,
J’ai la sérénité du jour, quand il s’achève.
Si je n’ai plus l’espace ouvert sur l’avenir,
À défaut des longs vœux j’ai le long souvenir !
Je vous revois passer à travers une brume,
Tristes bonheurs d’un jour, perdus sans amertume !
Comme le voyageur, sorti d’une cité
À l’heure où vient la nuit dans sa tranquillité,
À chaque pas qu’il fait dans la sombre étendue,
Saisit moins la rumeur derrière lui perdue,
Ainsi vous expirez, à ce tomber du jour,
Ô voix que la distance affaiblit tour à tour !
Ainsi vous expirez ; et, tandis que j’avance,
J’entends mieux les conseils que Dieu donne au silence.
Tandis que du passé les fantômes trompeurs
S’en vont l’un après l’autre, ainsi que des vapeurs,
Le vrai, de plus en plus, me montre sa figure.
Il se fait dans mon âme, et plus haute et plus pure,
Ce doux je ne sais quoi de grave et de pieux,
Qui se répand du cœur sur le front des aïeux ! —