Page:Avezac-Lavigne - Diderot et la Société du baron d’Holbach, 1875.djvu/147

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pensa donc à lui donner un état, et celui de légiste sembla le plus conforme à ses dispositions studieuses et à ses goûts sérieux. Mais il éprouvait une aversion insurmontable pour tout ce qui n’était pas du domaine de la philosophie ou des belles-lettres, et pendant qu’on le croyait plongé dans l’étude de Voët ou de Vinnius, Cicéron et Virgile étaient les auteurs qu’il dévorait en secret.

Sa petite fortune, ne lui permettant pas d’adopter ce mode d’existence, et sa santé s’étant altérée par une application trop constante, il se vit obligé d’embrasser un genre de vie plus actif. En 1734, il alla à Bristol pour apprendre le commerce ; mais au bout de quelques mois il reconnut que cette profession ne lui convenait pas. Il passa en France dans l’intention de se retirer à la campagne, et c’est là qu’il se traça le plan de conduite qu’il a toujours suivi depuis avec succès. Pour suppléer à ce qui lui manquait du côté de la fortune, il s’astreignit à la plus rigide sobriété : « Ainsi, dit-il, je conservais mon indépendance, et dédaignais tout ce qui ne concernait pas mes progrès en littérature. »

Pendant son séjour en France, d’abord à Reims, ensuite et principalement à la Flèche, il composa son Traité de la nature humaine. Après trois années de séjour en France, il revint en Angleterre et publia à Londres ce Traité, qui parut en 1738. Jamais tentative littéraire n’eut un plus triste sort : ce fut un livre mort-né. Mais son heureux caractère lui fit surmonter sans peine cette première infortune,