Page:Avezac-Lavigne - Diderot et la Société du baron d’Holbach, 1875.djvu/183

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frêle de sa structure, le court espace de sa vie, l’instantanéité de ses besoins, le raboteux des plus petites inégalités, et qu’il ne peut rien compenser, rien rabattre sans souffrir ou sans mourir. Je veux appliquer ces principes à la théorie des blés ; rien n’est si vrai que les prix des blés, laissés en liberté, se mettent en équilibre. Rien n’est si vrai que le commerce, rendu libre, répandra du blé partout où il y aura de l’argent et des consommateurs ; rien n’est si vrai en théorie, parce que tous les hommes courent après le gain, ce qui était à démontrer. Mais en pratique, il faut un espace de temps pour que le blé arrive ; et si cet espace de temps est de quinze jours, et que vous n’ayez des provisions que pour une semaine ; la ville reste huit jours sans pain, et cet insecte appelé homme n’en a que trop de huit jours de jeûne pour mourir, ce qui n’était pas à faire. Ainsi, le théorème va bien, le problème va fort mal. Concluons donc de ne pas laisser à la nature le soin de nos petites guenilles : elle est trop grande dame pour cela. »

Sur le fond même de la question, c’est-à-dire quant à l’édit de 1764 qui permettait la libre circulation des blés, Galiani, sans partager l’enthousiasme des économistes, l’appelle l’aurore d’un beau jour ; mais l’édit de 1763, celui qui accordait la liberté intérieure du commerce d’une ville à l’autre, en France, avait à ses yeux une bien plus grande portée. Quittant alors le ton plaisant qui lui était naturel il s’est élevé, en parlant de cette amélioration fondamentale, jusqu’à l’éloquence.