Page:Avezac-Lavigne - Diderot et la Société du baron d’Holbach, 1875.djvu/195

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

mieux représentée par l’auteur du Système de la Nature que dans le livre de l’Esprit. Pour d’Holbach comme pour Helvétius, la base de la morale consiste dans l’amour de soi-même. Étrange aberration, qui fait de l’égoïsme le stimulant des sentiments impersonnels !

Malgré ces défauts et d’autres encore, il règne dans cet ouvrage un ton de conviction et d’honnêteté qui attire, une chaleur où l’on sent l’amour de l’humanité, le désir ardent de travailler au bonheur de l’homme, et de réveiller en lui le sentiment de sa dignité. Quoiqu’il en soit, son apparition causa, ainsi que nous l’avons dit, une vive sensation. Le patriarche de Ferney, ayant lu les attaques dirigées contre les rois — qui n’y étaient pas plus ménagés que les prêtres — prit peur, et crut prudent d’en faire une réfutation, au moins pour montrer qu’il n’y avait eu aucune part, et qu’il n’approuvait pas les opinions de l’auteur. Pour qu’elle n’échappe pas aux yeux du gouvernement, il envoya cette réfutation à madame du Deffand et à madame de Choiseul ; puis, comme il était au fond un peu honteux de ces démarches, lesquelles, d’ailleurs, ne pouvaient manquer de venir à la connaissance des amis du baron, il écrivait à Grimm, le 1er novembre : « L’auteur du Système de la Nature aurait dû sentir qu’il perdait ses amis, et qu’il les rendait exécrables aux yeux du roi et de toute la cour. Il a fallu faire ce que j’ai fait ; et si l’on pesait bien mes paroles, on verrait qu’elles ne doivent déplaire à personne. »