Page:Avezac-Lavigne - Diderot et la Société du baron d’Holbach, 1875.djvu/229

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les cas généraux. Alors, en ce sens, le sage serait en effet au-dessus des lois ou, selon l’expression de Duclos[1], il serait « son propre législateur. » Dans ce cas, l’on pourrait dire qu’il n’y a pas de lois pour le sage ou plutôt le sage aurait des règles fixes pour toutes ses actions. Mais sans compter qu’il est difficile d’être complétement désintéressé et d’apprécier toujours sainement le bien et le mal, on sent quels abus entraînerait cette disposition de chacun, compétent ou non, à s’ériger en juge, soit dans la cause des autres, soit surtout dans sa propre cause. Que de fois, tout en croyant raisonner, on subirait sans s’en apercevoir l’impulsion de ses sentiments, bons ou mauvais !

On trouve dans la correspondance du roi de Prusse avec d’Alembert, une dissertation fort intéressante, qui se rattache à la question précédente : le grand Frédéric convient avec d’Alembert qu’il est quelquefois permis de voler « si par impossible, dit-il[2], il se trouvait une famille dépourvue de toute assistance et dans l’état affreux où vous la dépeignez, je ne balancerais pas à décider que le vol lui devient légitime : 1o parce qu’elle a éprouvé des refus au lieu de recevoir des secours ; 2o parce que se laisser périr, soi, sa femme et ses enfants, est un bien plus grand crime que de dérober à quelqu’un de son superflu ; 3o parce que l’intention du vol est vertueuse et que l’action en est d’une nécessité

  1. Voy. les Considérations sur les mœurs.
  2. Lettre du 3 avril 1770.