Page:Avezac-Lavigne - Diderot et la Société du baron d’Holbach, 1875.djvu/96

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Pour avoir l’idée de l’effet que produisit cette pièce après les premières représentations, il suffira de remarquer qu’elle donna lieu à plus de vingt brochures pour ou contre. Parmi les écrivains qui répondirent avec le plus de verve et de véhémence à l’attaque de Palissot, il faut citer l’abbé Morellet, que Voltaire, qui aimait à donner des surnoms, appelait l’abbé Mords-les. À l’exemple de l’auteur des Philosophes, il ne garda aucune mesure ; et, dans son écrit intitulé : L’horrible Vision de Charles Palissot, il lui rendit blessure pour blessure.

Morellet avait adopté, dans sa riposte, la forme qui avait jadis si bien réussi à Grimm pour son Petit Prophète, celle des versets de la Bible. Il terminait son pamphlet par ce trait empoisonné : « Lorsqu’on aura remué les ordures de ta vie, on s’étonnera de te voir devenu tout à coup l’apôtre des mœurs, et on demandera comment un homme qui n’a ni religion, ni mœurs, ni probité, ose-t-il parler de probité, de mœurs, de religion ? Et tu répondras qu’il vaut mieux être fripon qu’incrédule, et crapuleux que philosophe. »

Malheureusement pour l’abbé, il avait mêlé dans sa querelle la protectrice de Palissot, la princesse de Robecq, fille du maréchal de Luxembourg. Sans la nommer, il avait dit qu’une méchante femme était très-dangereusement malade, et cela avait suffi pour que tout le monde la reconnût. Sur une plainte portée contre Morellet par les amis de la princesse, il fut bel et bien embastillé.

Depuis que Rousseau avait quitté l’Ermitage, il