Page:Azaïs - Jugement philosophique sur J.J. Rousseau et sur Voltaire.djvu/13

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cain. Sans doute les mœurs de Genève, il y a cent ans, étaient loin d’égaler en rudesse celles des premiers temps de Rome ou de Lacédémone ; mais elles ressemblaient encore moins aux mœurs d’Athènes ; et Genève, comme Lacédémone, environnée de peuples livrés aux plaisirs, aux arts, à la mollesse que la civilisation entraîne, luttait contre les séductions qui, de toutes parts, lui étaient adressées. Cet effort entretenait son énergie, sans prévenir cependant l’introduction des idées et des goûts qui dominent dans les grandes monarchies en sorte que l’homme sensible, à Genève, sans cesse pressé par des mouvemens contraires, tantôt se laissait attirer vers les douceurs sociales, tantôt se rejetait vers l’austérité républicaine par habitude et par fierté.

Dans tout homme sensible, les combats intérieurs entre de nouveaux penchans et des idées anciennes sont le ferment de l’urne. Les pensées, ainsi que les résolutions, sans cesse agitées et discordantes, impriment à la conduite, ainsi qu’au langage, le désordre en même temps que l’éclat. Alternativement jetée vers ce qu’elle désire et vers ce qu’elle regrette, l’âme est devenue étrangers à la modération paisible ; elle s’exalte, s’irrite ; elle défend