Page:Azaïs - Jugement philosophique sur J.J. Rousseau et sur Voltaire.djvu/64

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dit de J.-J. Rousseau, qu’il fut le plus heureux et le plus malheureux des hommes ; ses jouissances furent moins élevées que celles de son rival ; ses peines furent aussi moins profondes ; il eut bien plus de partisans ; il eut bien moins d’amis et d’ennemis. Il servit avec plus de succès la cause de la raison humaine ; car il est bon de le dire encore, J. J. Rousseau, par excès d’imagination et de sensibilité, s’égara presque sans cesse ; Voltaire, dont l’esprit, quoique léger, était éminemment juste, ne s’écarta presque jamais, dans ses idées, du bon sens et de la vérité ; mais J.-J. Rousseau, par la fierté de son âme, imprima un grand mouvement à la liberté humaine ; et ce bien est le premier en force et en dignité.

Ainsi, malgré leurs divisions ces deux grands hommes se réunirent ; l’un et l’autre furent les agens immédiats de cette impulsion énergique qui, à la fin de leur siècle, se composa essentiellement de liberté et de raison, mais qui, bientôt arrêtée par de violens obstacles, se porta, pour les vaincre, à une violence plus grande encore. On ne saurait trop le répéter ; ce n’est point la liberté et la raison qui firent de la révolution française un enchaînement de calamités si effrayantes ; c’est la ré-