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« À mon aïeul, couronne et sceptre d’or.
« Il les vendit pour nourrir le courage
« De faux agents, d’écrivains maladroits.
« Moi, j’ai pour sceptre un bâton de voyage.
« Faites l’aumône au dernier de vos rois.

« Mon père âgé, mort en prison pour dettes,
« D’un bon métier n’osa point me pourvoir.
« Je tends la main ; riches, partout vous êtes
« Bien durs au pauvre, et Dieu me l’a fait voir.
« Je foule enfin cette plage féconde
« Qui repoussa mes aïeux tant de fois.
« Ah ! par pitié pour les grandeurs du monde,
« Faites l’aumône au dernier de vos rois. »

Le sénateur dira : « Viens ; je t’emmène
« Dans mon palais ; vis heureux parmi nous.
« Contre les rois nous n’avons plus de haine :
« Ce qu’il en reste embrasse nos genoux.
« En attendant que le sénat décide,
« À ses bienfaits si ton sort a des droits,
« Moi, qui suis né d’un vieux sang régicide,
« Je fais l’aumône au dernier de nos rois. »

Nostradamus ajoute en son vieux style :
La république au prince accordera
Cent louis de rente, et, citoyen utile,
Pour maire, un jour, Saint-Cloud le choisira.
Sur l’an deux mil on dira dans l’histoire,
Qu’assise au trône et des arts et des lois,
La France en paix, reposant sous sa gloire,
A fait l’aumône au dernier de ses rois.