Page:Béranger, oeuvres complètes - tome 3.pdf/171

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et l’esprit de l’avocat sont à la hauteur de la cause qu’il est chargé de défendre, M. Dupin enfin plaide plutôt pour son propre compte que pour Béranger lui-même.

M. Barthe prend la chose différemment ; il sait aussi, lui, qu’il n’y a pas à faire revenir sur une décision déjà convenue, quoiqu’elle ne soit pas encore prononcée ; mais il est dans toute la ferveur d’une opinion extrême ; il sent en lui l’esprit de carbonarisme qui fermente ; impuissant à sauver son client, il rougirait de laisser échapper une aussi bonne occasion de proclamer quelques importants principes et de dire quelques rudes vérités au pouvoir. M. Barthe dédaigne sa réputation d’avocat, il ne veut faire briller que son éloquence politique, et il pense peut-être avec raison que, dans une cause où la politique seule a dicté l’accusation, c’est à la politique seule de prononcer la défense.

Ah ! combien différent est M. Berville ! doux, moelleux, littéraire, gracieux, il n’a de paroles amères contre personne, de fiel contre aucune intention du réquisitoire, de dédain contre aucun des moyens de l’homme du Roi, c’est par l’éloge qu’il veut triompher de l’accusation, par le respect, par la douceur, par la modération ; quelquefois dans sa dialectique serrée il n’en porte pas moins de rudes coups ; mais c’est en enveloppant ses raisons de tant d’harmonie, en mettant dans son geste tant de grâce, dans son énergie tant d’onction, qu’à l’entendre parler on se rappelle involontairement le fameux joueur de trictrac des Mémoires de Grammont, qui ne manquait jamais d’accompagner chaque coup gagnant d’un respectueux « Pardon de la liberté grande. » M. Berville loue tout le monde ; il loue le talent, le génie du poëte, cela va sans dire ; il loue l’éloquence de l’accusateur, l’impartialité des magistrats, l’innocence et la bonne foi du libraire ; il parle à des jurés, il ne veut soulever que des