Page:Béranger, oeuvres complètes - tome 3.pdf/187

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Ici M. Marchangy donne lecture de cette chanson, et reprend la parole.

« C’est ainsi, messieurs, que l’auteur, par une sacrilège ironie, essaie d’écarter de nos temples ceux qu’un reste de foi y conduit encore ; c’est ainsi qu’il tente surtout d’en éloigner les soldats français dont la ferveur religieuse ne pourrait en effet qu’ajouter aux garanties de leur fidélité. Mais, tandis qu’il voudrait, en glaçant la piété dans leurs cœurs, les rendre plus faciles à séduire, ne voyez-vous pas que ses efforts conspirent encore moins contre la monarchie que contre la valeur et la gloire ? car la religion seule peut épurer la valeur en la rendant désintéressée et morale. Quant à la gloire, qui n’est qu’un secret besoin de se survivre, qui peut la comprendre et la mériter, si ce n’est celui qui espère un autre avenir ? Qui croira en Dieu, si ce n’est celui qui va chercher la mort dans les combats ? et de quel prix la terre, réduite à ses biens impuissants, pourrait-elle payer le dévouement du héros qui s’immole à son pays ?

« Mais c’est peu que le sieur de Béranger fasse asseoir sur le seuil de l’église le ridicule et l’insulte ; il va, dans la chanson intitulée le Bon Dieu[1], apostropher Dieu lui-même. Pour que la majesté divine ne puisse pas rester inviolable derrière ses impénétrables mystères, il va, dans une indigne parodie, lui prêter des formes et un langage ignobles ! Cet Être éternel, que les élans de la prière et les transports de l’admiration et de la reconnaissance avaient seuls osé atteindre, n’est plus, dans les vers du prévenu, qu’une image grotesque et bouffonne, qu’un fétiche impuissant qui vient calomnier son propre

  1. Tome II, page 63.