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d’inexplicables contradictions. Ainsi désormais tout dépendrait du hasard, et non du fond des choses. Le même ouvrage aura eu deux éditions ; l’une ancienne, l’autre récente. Cet ouvrage sera innocent si l’on saisit le volume qui porte le millésime de 1815 ; il sera coupable s’il porte celui de 1821.

« Ajoutons à ces raisonnements d’autres considérations non moins puissantes.

« Un assassin, un voleur de grand chemin, un faussaire, sont tranquilles au bout d’un certain temps ; ils restent sans doute aux prises avec le remords, mais enfin ils n’ont plus à redouter les poursuites de l’autorité. Et un auteur devra trembler toute sa vie ! Après lui, sa femme et son libraire courront les mêmes dangers, puisque aucune publication antérieure, bien que non poursuivie, n’aura mis les réimpressions du même ouvrage à l’abri de nouvelles poursuites !

« Il y a mieux encore, ou plutôt nous allons trouver pis : il pourrait y avoir chose jugée contre, et jamais chose jugée en faveur de l’auteur. En effet, qu’un livre soit condamné, sa suppression est ordonnée ; si l’auteur le réimprime, on juge qu’il est contrevenu à l’arrêt ; et il sera condamné pour ce seul fait au maximum de la peine, sans nul examen : il suffira de constater l’identité des choses réimprimées avec celles qui ont été condamnées.

« Supposons, au contraire, que ce même auteur ait été absous à l’unanimité par un jury, il se croira autorisé à faire autant d’éditions de son ouvrage que bon lui semblera. Point du tout : s’il donne une nouvelle édition, encore bien qu’elle ne soit qu’une exacte réimpression de la première, on lui soutiendra que cette réimpression est un nouveau fait qui constitue un nouveau délit, et l’on pourra le tra-