Page:Béranger, oeuvres complètes - tome 3.pdf/200

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renvoyer la connaissance du délit qu’elle a cru remarquer. Mais, évidemment, elle n’a pas pu juger ni préjuger la question de prescription contre le prévenu qui n’a pas été appelé à se défendre devant elle.

« Non, messieurs, vous ne vous laisserez pas priver de votre plus belle prérogative ! Vous ne vous placerez point aveuglément sous le joug d’un arrêt de renvoi. Un arrêt de renvoi ne juge rien par lui-même, c’est un simple arrêt de distribution de cause : il ne juge rien, si ce n’est que l’affaire sera portée à la cour d’assises pour y être jugée. Mais il ne vous enlève pas votre libre arbitre ; il ne vous enlève pas le droit qui appartient à tout juge d’apprécier sa propre compétence. Si un tribunal correctionnel, saisi par un arrêt de renvoi d’une cause prétendue correctionnelle, s’aperçoit, à l’examen, que le fait est de nature à emporter une peine afflictive ou infamante, il peut, il doit renvoyer la cause, encore bien que la connaissance lui en ait été attribuée par un arrêt de la chambre d’accusation. De même, une cour d’assises reste juge de toutes les questions, exceptions et défenses qui seront proposées par l’accusé.

« C’est ce que vous avez pratiqué dans l’affaire du sieur Cauchois-Lemaire : les passages pour lesquels il opposait la prescription étaient bien certainement compris dans l’accusation, puisque vous avez ordonné qu’ils en seraient distraits : ils étaient effectivement transcrits dans l’arrêt de renvoi ; et cependant vous n’avez pas cru que ce renvoi vous ôtât le droit d’admettre la prescription. De fait, vous l’avez accueillie, vous avez donc jugé que l’arrêt de renvoi n’emportait pas chose jugée. C’est précisément ce que je vous demande de consacrer par un nouvel arrêt. Il ne peut pas y avoir deux poids et deux mesures dans