Page:Béranger, oeuvres complètes - tome 3.pdf/226

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chacun se tiendra pour averti. On saura qu’il ne faut pas seulement craindre d’offenser Dieu, mais encore tel ou tel culte ; que la dérision est punie aussi bien que l’outrage, et qu’enfin il ne suffit pas de respecter la morale, et qu’il faut encore garder son sérieux à l’aspect d’un capucin !…

« Et encore ce projet passerait en loi, que je ne puis croire que jamais il eût la puissance de nous empêcher de rire.

« Retournons, si l’on veut, au règne de Louis XIV et de madame de Maintenon. Même à cette époque, on a pu railler les gens d’église, sans encourir le reproche d’impiété ; témoin le Tartufe et le Lutrin.

« Dans le Lutrin, composé à la demande du premier président de Lamoignon, auquel il fut dédié, combien de vers satiriques, bien autrement mordants que ceux de Béranger !


Tant de fiel entre-t-il dans l’âme des dévots ?


On y parle des chanoines qui


S’engraissaient d’une longue et sainte oisiveté.


On les appelle de pieux fainéants qui


Veillaient à bien dîner, et laissaient en leur lieu
À des chantres gagés le soin de louer Dieu.


« Et ces chantres eux-mêmes dont les cabarets sont pleins ! et l’alcôve du prélat ! et ces deux vers :


La déesse, en entrant, qui voit la nappe mise,
Admire un si bel ordre, et reconnaît l’église.


« Quoi ! tous les chanoines sont des fainéants ; les chantres des ivrognes ; on insulte des classes[1] ! Tous

  1. Voyez le projet de loi sur ceux qui insulteront les classes, à moins qu’on n’ait voulu dire les castes