Page:Béranger, oeuvres complètes - tome 3.pdf/228

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ces demi-concessions : la discussion sur la prescription m’a prouvé leur danger ; et, puisqu’on n’a pas dit nettement qu’on abandonnait l’accusation sur ce point, je ne dois pas négliger de m’y arrêter.

« Nous ne parlerons pas, a dit monsieur l’avocat-général, nous ne parlerons pas de la chanson des Deux Sœurs de Charité, dans laquelle l’auteur, anéantissant tout principe de morale, soutient qu’une fille de joie ne mérite pas moins le ciel par les excès de la débauche qu’une sœur de charité par ses bonnes œuvres et son dévouement sublime ! »

« L’auteur ne soutient rien de pareil : laissez-le lui-même exprimer sa pensée :


Entrez, entrez, ô tendres femmes !
Répond le portier des élus ;
La charité remplit vos âmes :
Mon Dieu n’exige rien de plus.
On est admis dans son empire,
Pourvu qu’on ait séché des pleurs,
Sous la couronne du martyre
Ou sous des couronnes de fleurs.


« Oui, pourvu qu’on ait séché des pleurs, pourvu qu’on ait fait du bien à ses semblables, qu’on ait eu pitié du malheur, un pécheur peut espérer miséricorde. Dieu n’a pas dit qu’il n’y aura que les prudes qui entreront dans le paradis. Une femme, même de mauvaise vie, peut trouver grâce devant lui si elle a fait quelque bonne œuvre. Témoin la Madeleine, qui n’était pas une fille très-sage, et à qui cependant Jésus-Christ remit toutes ses fautes en vue d’une seule bonne action. Eh bien ! Béranger n’a pas dit autre chose ; il n’a pas dit ce qu’on lui fait dire contre l’évidence du fait ; il n’a pas dit qu’une fille de joie pouvait mériter le ciel par les excès de la -