Page:Béranger, oeuvres complètes - tome 3.pdf/263

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Vengez-moi. Mais les uns se sont appuyés du nom de Dieu, et les autres de la personne du roi, afin de ne paraître défendre que la cause des bonnes mœurs, de la religion et de la légitimité. Voilà le langage détourné de l’homme qui dissimule son ressentiment pour mieux venger son injure : il n’ose s’en plaindre, mais elle vit au dedans de lui-même, vivit sub pectore vulnus.

« L’exemple de Louis XII était embarrassant. Monsieur l’avocat-général a dit que de pareils écrits n’étaient pas rares dans notre histoire, et il a ajouté que, si le roi pouvait pardonner, le devoir des magistrats n’en était pas moins de poursuivre.

« J’en conviens, en matière ordinaire, lorsqu’il s’agit, par exemple, d’un vol, d’un meurtre. Mais en matière d’offenses personnelles, je dis que la personne devrait toujours être consultée pour savoir si l’on fera un procès en son nom. Cela est vrai des particuliers, des corps ; il ne suffit pas qu’ils aient été offensés, il faut encore qu’il leur convienne de s’en plaindre. On ne peut agir d’office pour leur procurer une satisfaction qu’ils ne demandent pas ; il en devrait être de même, à plus forte raison, des rois. Du temps de Louis XII aussi, il y avait des magistrats qui savaient accuser au besoin, et pourtant ils ne se croyaient pas dispensés de consulter le roi lorsqu’il s’agissait de sa personne. On pressait Louis XII de faire punir… il ne le voulut pas. De tels traits, dit-on, ne sont pas rares. J’ajoute qu’il n’y a pas d’inconvénient à les multiplier ; et certes il eût mieux valu ajouter à l’histoire une page comme celle de Louis XII, que d’y ajouter une page de ridicule, parce qu’il paraîtra inconcevable qu’à l’époque où nous nous trouvons on ait rassemblé douze jurés, occupé toute une cour, enlevé des