Page:Béranger, oeuvres complètes - tome 3.pdf/309

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hommes divins ; ils les regardaient comme des êtres sacrés, ils dévouaient aux furies quiconque osait offenser ces favoris des dieux. Si Platon, plus austère, bannissait les poëtes de sa république, il ne les envoyait point en prison ; il les couronnait de roses, et les reconduisait à la frontière, aux sons d’une musique harmonieuse ; on ne pouvait donner un congé d’une manière plus aimable. Jusque dans ses sévérités, Platon respectait les dons brillants de la nature dans ceux qu’elle en avait favorisés. Et nous aussi, messieurs, respectons-les, ces hommes précieux ; respectons-les, car la nature en est avare ; respectons-les, car ils sont la fleur de leur siècle et l’honneur de leur patrie ; respectons-les, car ils sont les rois de l’avenir, ils disposent de la postérité, et la postérité prendra parti pour eux. Elle n’a point pardonné, cette postérité, à Auguste l’exil d’Ovide, à Louis XIV lui-même la disgrâce homicide de Racine ; elle a flétri d’un éternel opprobre la main qui donna des fers au chantre d’Armide. Un jour aussi, cette postérité s’informera comment la France a traité son poëte, quels honneurs ont été rendus, quelles récompenses accordées, quelles couronnes décernées au rival d’Anacréon. Quelle sera la réponse ?… Ah, messieurs les jurés ! pourquoi sommes-nous devant la cour d’assises ! »

Des applaudissements unanimes partent de tous les points de la salle.


M. Marchangy : « Notre ministère vous paraîtra sans doute bien sévère après la péroraison touchante que vous venez d’entendre, et les applaudissements indiscrets qui ont profané cette enceinte. Je rends justice cependant à la modération des plaidoiries ; les avocats, en soutenant la bonté de leur, cause, se