Page:Béranger, oeuvres complètes - tome 3.pdf/326

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dans ses vers un régime que sa muse frondait, alors qu’il existait ?

« Il est vrai qu’alors aussi ses allusions étaient fines et légères ; elles étaient enveloppées d’un voile assez épais pour que l’œil du vulgaire ne pût le pénétrer, et ses traits à peine acérés effleuraient et ne déchiraient pas.

« Quelle différence aujourd’hui ! Ah ! si dans les temps que le sieur de Béranger présente sans cesse à notre admiration et à nos regrets (dans ce recueil comme dans les autres), sa plume audacieuse eût laissé échapper des vers pareils à ceux qui vous sont déférés ; si les pompes d’un autre sacre, si celui qu’elles entouraient eussent été les sujets de ses mépris, les objets de sa dérision, est-ce la justice qui eût été appelée à apprécier et punir l’offense ? Non, l’arbitraire eût ouvert les portes d’une prison d’état, et l’auteur, l’éditeur, l’imprimeur, les débitants du téméraire écrit eussent vu les portes se refermer sur eux, pour un temps assurément plus long que la détention légale qui peut leur être infligée aujourd’hui pour une telle faute.

« Mais, dira-t-on peut-être, en admettant dans les vers incriminés le sens qu’on leur attribue, ce sont des chansons, et au temps où nous vivons, dans le pays où nous sommes, peut-on donner tant d’importance à des chansons ?

« La chanson, il est vrai, eut toujours privilège en France ; mais convenons pourtant que son privilège n’a jamais été illimité, et il est des personnes et des choses qui sont toujours restées hors de son domaine.

« D’ailleurs il ne suffit pas de donner à des vers le titre de chansons pour les dépouiller du caractère de libelle, et leur attribuer celui propre à la chanson