Page:Béranger, oeuvres complètes - tome 3.pdf/344

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une sorte d’intérêt poétique s’est emparé de lui, et il a déposé une fleur sur la tombe de celui qui, pendant sa puissance, n’avait obtenu de lui qu’une critique.

« On a parlé, messieurs, de la grandeur actuelle de la France, de l’accroissement progressif de ses libertés ; on vous a parlé de nos armées s’illustrant en ce moment même sur le territoire de la Grèce pour une cause sacrée. Messieurs, j’ai cru, à chaque mot du ministère public, entendre l’éloge de Béranger. L’agrandissement progressif de nos libertés ! ah ! j’en appelle à toutes les consciences ! Est-il étranger à ces progrès de la civilisation, à ces agrandissements de nos libertés, le poëte qui a chanté le Dieu des bonnes gens, qui a flétri l’intolérance, et poursuivi de ses vers vengeurs tous les ennemis de ces libertés et de cette civilisation ?

« Vous avez parlé de la Grèce ! quels vers, plus que ceux de Béranger, ont rendu chère aux nations la cause de la Grèce moderne ; les massacres de Psara, la délivrance d’Athènes, l’ombre d’Anacréon évoquée et récitant une poésie digne d’Anacréon lui-même ? mais que dis-je ? au moment même où il comparaît ici en police correctionnelle, où sa liberté est menacée, une sentinelle, dans les forteresses de la Morée, répète peut-être et son nom et ses vers pour exciter ses compagnons d’armes à la défense d’une si belle cause. (Bravos dans l’auditoire.)

« Mais il est un autre titre qui le recommande à tous les hommes généreux. De tous les sentiments, celui qui honore le plus les nations à leurs propres yeux, aux yeux de l’étranger, c’est le patriotisme, c’est l’amour du pays, la haine de l’invasion étrangère, l’amour des gloires de la patrie. C’est à faire naître, à réchauffer ce noble sentiment que notre