Page:Béranger, oeuvres complètes - tome 3.pdf/350

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            On les fera passer pour cornes,
Dit l’animal craintif, et cornes de licornes.


(Rire général.)


« Ce lièvre était de bon sens, s’écrie l’avocat, noue procès le prouve ; mais, en vérité, nous n’avions pas cru qu’il fût nécessaire de le prendre pour modèle.

« Considérez, messieurs, quel est le jugement qu’on vous sollicite à prononcer. Attendu, direz-vous, que Béranger a peint un prince faible ou peu estimable, et que cette peinture désigne à ne point s’y méprendre… Je n’ose achever. C’est un outrage à la majesté royale qu’on réclame de vous, c’est un sacrilège qu’on vous demande.

« Messieurs, a dit Me Berville en terminant, nous regardons souvent d’un œil de dédain les temps qui nous ont précédés. Mais si la postérité apprend quelque jour que deux ou trois couplets de chanson ont soulevé la sévérité du ministère public, suscité un grave procès politique, fait une affaire d’état, que dira-t-elle de nous ? quelle risée !

« Et si elle vient à apprendre que ces graves sujets ont privé de leur liberté, atteint dans leur fortune et dans leur existence sociale d’honnêtes négociants, un homme de lettres aussi distingué par ses talents que par son caractère, se contentera-t-elle de rire à nos dépens, et la raillerie ne fera-t-elle point place à un sentiment plus amer ? »

L’éloquent défenseur a constamment été écouté avec le plus vif intérêt, et a fréquemment produit une sensation profonde.


M. Champanhet, avocat du roi, se lève aussitôt pour répliquer. Le ministère public termine ainsi :


« Oui, messieurs, si nous ne nous abusons, les