Page:Béranger, oeuvres complètes - tome 3.pdf/82

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Un soir, j’avais dix ans à peine,
Égaré, couvert de sueur,
Je vois de loin cette lueur.
C’est la lampe de ma marraine.
Chez elle un gâteau m’attendant,
Je cours, je cours, l’âme ravie.
Un berger me crie : « Imprudent !
« La lumière par toi suivie
« Éclaire un bal de trépassés. »
Ainsi devait s’user ma vie.
Follets, dansez, dansez, dansez.

À seize ans, je vis même flamme
Sur la tombe du vieux curé ;
Soudain m’écriant : Je prierai,
Monsieur le curé, pour votre âme ;
Je m’imagine qu’il me dit :
« Faut-il que la beauté te rende
« Déjà rêveur, enfant maudit ! »
Ce soir-là, tant ma peur fut grande,
Je crus à des cieux courroucés.
Parlez encore et que j’entende.
Follets, dansez, dansez, dansez.

Quand j’aimai Rose au cœur candide,
Un peu d’or eût comblé nos vœux.
Devant moi passe un de ces feux :
Vers des trésors qu’il soit, mon guide.
J’ose le suivre, mais, hélas !
Dans l’étang que ce ruisseau creuse,
Je tombe, et je ne péris pas !
A-t-il ri de ta chute affreuse ?