Page:Béranger - Chansons anciennes et posthumes.djvu/575

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Les ceps de rosée humides,
Comme un cerf dans ses douleurs,
Devant ces meutes avides
Semblent répandre des pleurs.

Sous les paniers qu’on renvoie.
L’âne pliera jusqu’au soir.
Venez voir richesse et joie
Jaillir à flots du pressoir.

Mais l’émeute est au village.
Mille oiseaux, dans ces tilleuls,
Disent : « L’on met au pillage
« Ce que Dieu fit pour nous seuls.

« Voyageurs privés d’étapes,
« Nous allons de mal en pis :
« Aujourd’hui l’on prend les grappes,
« Hier, c’étaient les épis.

« Des hommes, troupe assouvie,
« Ont terres et revenus ;
« Les autres glanent leur vie,
« Le dos courbé, les pieds nus.

« Pauvres gens, vous qu’on dédaigne,
« Vite, aux armes ! vengez-vous.
« Nous chanterons votre règne :
« Les raisins seront pour nous. »

Mais vient réponse à leur plainte.
Un chasseur ! Oiseaux, tremblez !
On peut vendanger sans crainte :
Nos tribuns sont envolés.

Laure, on dépouille la plaine ;
Quittez le doux oreiller.
Demain les pauvres à peine
Trouveront à grappiller.