Page:Bérard - La résurrection d’Homère, 1930, 2.djvu/39

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Elle dit et donna l’ordre au divin porcher d’offrir aux prétendants l’arc et les fers polis. Eumée, pleurant, s’en vint les prendre et les offrir. Dans son coin, le bouvier pleurait aussi en revoyant l’arme du maître.

Alors Antinoos les tança et leur dit :

Antinoos. — Ah ! couple de malheur ! pourquoi verser des larmes et troubler en son sein le cœur de cette femme ?… Vous savez les tourments où la plonge déjà la perte de l’époux !… Si vous voulez rester à table, taisez-vous ! si vous voulez pleurer, sortez ! mais posez l’arc ! laissez aux prétendants cette lutte anodine : car cet arc bien poli, je ne crois pas qu’on puisse aisément le bander ! je ne vois pas qu’Ulysse ait un rival ici, parmi tous ces convives.

Il disait, bien qu’au cœur, il gardât l’espérance de pouvoir tendre l’arc et traverser les fers…

Les prétendants font l’essai, les uns après les autres, en commençant par le moins important pour finir par Eurymaque et Antinoos. Les premiers échouent. L’arc passe aux mains d’Eurymaque qui échoue à son tour :

Eurymaque. — Que je souffre, ah ! misère !… Ce n’est pas tant l’hymen qui cause mes regrets ! Je sais, en mon dépit, bien d’autres Achéennes, soit en cette cité d’Ithaque entre-deux-mers, soit dans les autres villes… Mais voir notre vigueur dépassée de si loin par le divin Ulysse !… et que pas un de nous n’ait pu tendre son arc !… quelle honte pour nous jusque dans l’avenir !

Antinoos, le fils d’Eupithès, répliqua :