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WOZZECK

Wozzeck. — Hé, Marie, de la gaieté ! Il est beau, ce monde ! n’est-ce pas ?

Un crieur (devant une baraque). — Messieurs et Mesdames ! On voit ici le cheval astronomique et l’âne géographique ! La créature, telle que Dieu l’a faite, n’est rien, absolument rien ! Voyez l’art ! Regardez seulement ce singe ! Il marche droit, il a un paletot et des culottes, il a un sabre. Hé, Michel ! fais tes compliments ! C’est bien ! Un baiser. Tiens ! (Le singe trompette.) Messieurs et Mesdames ! On voit ici le cheval historique et l’âne philosophique. Ils sont les favoris de tous les souverains de l’Europe, de l’Afrique, de l’Océanie, ils sont membres de toutes les sociétés savantes, et ils étaient jadis professeurs d’Université. L’âne dit tout aux gens, leur âge, le nombre de leurs enfants, leurs maladies ! Aucune fraude, tout provient de l’éducation ! L’âne a une raison bestiale, il a aussi une bestialité raisonnable, il n’est pas bête comme les hommes, en exceptant l’honorable assistance. L’âne marche droit, tire un coup de pistolet, est musicien. (L’âne trompette de nouveau.) Messieurs et Mesdames ! On voit ici l’âne astrologique, le cheval romantique, le singe militaire ! Entrez, Messieurs et Mesdames, on commence à l’instant. Entrez, cela coûte un sou.

Premier spectateur. — J’aime le grotesque. Je suis athée.

Second spectateur. — Je suis un athée chrétien-dogmatique. Il faut que je voie l’âne. (Ils entrent dans la baraque.)

Wozzeck. — Veux-tu entrer aussi ?

Marie. — Volontiers. Que de franges a cet homme ! et cette femme a dès culottes ! Ça doit être une belle chose. (Ils entrent.)