Page:Büchner - La Mort de Danton, trad. Dietrich, 1889.djvu/316

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enfants qui dorment dans les ténèbres ; il lui semblait qu’il était aveugle ; cette angoisse augmentait encore, le cauchemar de la folie s’asseyait à ses pieds ; la pensée désespérée que tout n’était que son propre rêve s’ouvrait devant lui ; il se cramponnait à tous les objets ; des figures passaient rapidement auprès de lui, il se pressait contre elles : c’étaient des ombres ; la vie le quittait et ses membres étaient tout raides. Il parlait, il chantait, il récitait des passages de Shakspeare, il recourait à tous les moyens qui autrefois avaient fait circuler son sang plus vite, il essayait de tout, mais vainement, vainement. Il lui fallait alors le grand air. La faible lumière répandue à travers la nuit lui faisait du bien, une fois que ses yeux se furent habitués à l’obscurité ; il s’élançait dans la fontaine, le froid subit de l’eau avait sur lui une action salutaire ; il espérait secrètement aussi gagner une maladie, et maintenant il prenait son bain avec moins de bruit. Mais plus il se familiarisait avec la vie, plus il devenait tranquille ; il aidait Oberlin, dessinait, lisait la Bible ; d’anciennes espérances disparues rentraient en lui ; le Nouveau Testament se mit ici à sa portée, et un matin il sortit. Oberlin lui ayant raconté comment une main irrésistible l’avait retenu sur le pont, comment, sur la hauteur, une lueur avait ébloui ses yeux, qu’il avait entendu une voix, qu’on lui avait parlé dans la nuit, et que Dieu avait pénétré si profondément