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préface.

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riseur qui passait les nuitset les’jours a compter, calculer, supputer sans relâche (du Thesaurzseur et du Singe, XIII, 3) :

Culeulant, supputant, comptant, comme En la tâche. Uallitération est portée j usqu’à l’exagération dans ce vers d’Ennius :’

0 Titel tate, tatl, tibi tanto, tyranue, tulisti. Il y a allitération dans ce vers de Cicéron, satirisé par Juvénal :

0 fortunatam natam, me consule, Itomam ! Les peëtes de la basse latinité ont fait un fréquent usage de Pallitération ; on en trouve de nombreux exemples dans une pièce de vers adressée à Childehert II, roi d’Ostrasie, par Fortunat, évêque de Poitiers. En prose, nous citerons comme exemples d’allitération expressive les fameux mots de César : Veni, oidi, oici, «je suis venu, j’ai vu, j’ai vaincu » ; et ceux-ci du commencement dela 2° Catilinaire de Cicéron : abiit, excessit, evasit, crupit. - Uallitération est assez usitée dans les proverbes : u Qui dort díne, — Qui terre a, guerre a ; — Qui refuse, muse ;- Traduttore traditore. » Chez certains peuples du nord (Écossais, Scandinaves), l’allitération a été longtemps la base du rhythme poétique ; elle tint lieu en quelque sorte de la mesure des anciens et de la rime des modernes. On en trouve quelques rares vestiges dans Shakspeare ; les exemples en sont plus nombreux dans Chaucer, et les érudits anglais citent comme très-remarquable une pièce de W.-Langland (xiv° siècle), intitulée la Vision de Pierre Plowman, où le système de Pallitération parait dans toute sa pureté.

Certains auteurs ont fait de Fallitération un jeu puéril ; ainsi, dans un poëme composé en l’honneur de Charles le Chauve, tous les mots commençaient par la lettre C ; dans un autre, ’où l’on chantait la Guerre des pourceaux, tous les mots commençaient par un P :.-Plaudite, Porcelli ; porcornm pigra propage

Yrogreditnr, etc. P.

ALLOCATION, allectation d’une somme portée sur un budget au payement de dépenses prévues et évaluées d’avance. Les ministères doivent se renfermer le plus possible, pour leurs dépenses, dans les sommes allouées par les Chambres législatives. B.

ALLOCUTION, discours en quelques phrases vives et pressées, adressées, par exemple, par un général à ses troupes avant le combat. C’est pour ce motif que les numismates et les antiquaires donnent le nom d’allocuLíons aux médailles, aux has-reliefs représentant un chef qui harangue ses soldats, comme on en voit sur les colonnes Trajane et Antonine. Les allocutions de César sont célèbres : on cite surtout celles qu’il adressa à une légion révoltée avant la guerre d’Afrique, à ses soldats en pré« sence d’Arioviste et au milieu de la bataille de Munda. Le général Bonaparte a improvisé d’admirables allocution ns, surtout dans ses célèbres campagnes d’Italie et d’Égypte. - B.

ALLOUYÈRE, vieux mot dérivé du bas latin allouerium, et qui signifiait une bourse, une gibecière, souvent faite en cuir, quelquefois en velours, en satin et brodée, qu’on portait à la ceinture et dans laquelle on enfermait son argent, ses papiers, ses bijoux.

ALLUSION, comparaison qui se fait dans l’esprit et par laquelle on dit une chose qui a du rapport à une autre, sans faire une mention expresse de celle-ci. Elle se tire de l’histoire, de la fable, des coutumes, des mœurs, de quelque parole ou maxime célèbre. de certaines circonstances de la vie privée, etc. On a fait de fréquentes allusions’au nœud gordien tranché d*un coup d’épée par Alexandre, et au fameux cercle dans lequel Popílius Lœnas enferma Antiochus IV, roi de Syrie, pour le sommer de répondre sur-le-champ s’il acceptait les conditions que le sénat romain lui imposait. Cicéron, dans ses discours contre Verrès, fait souvent allusion à l’animal immonde dont son adversaire porte le nom (verres, porc) ; il le peint « se vautrant dans le bourbier des passions, » iibiffinum luto immersum, et, par une double allusion au nom du personnage et au breuvage de Circé qui changeait les hommes en pourceaux, il dit : « Tout it coup, comme par quelque breuvage de Circé, d’homme il devient verrat (Verres). » Comme il insinuait qu’Hortensius, défenseur de Verrès, avait reçu en présent quelques-uns des vols de ce préteur : u Je ne comprends pas vos énigmes, dit Hortensias- Vous avez cependant chez vous le sphinx n, réplique Cicéron (C’était une statue d’argent volée par Verres, et qu’il avait donnée à Hortensius). - Horace, pour se consoler des rigueurs de la fortune, s’enveloppe dans sa vertu, par allusion au manteau des philosophes.

M“° de Scudéry, visitant le donjon de Vincennes, prison du prince de Condé pendant la Fronde, et voyant une pierre où le prince avait fait planter des œillets, quiil prit plaisir à arroser lui-même tant que dura sa captivité, écrivit sur cette pierre l’impromptu suivant, qui renferme une louange fine et délicate :-

En voyant ces œillets qu’un illustre guerrier-Arrosa de la main qui gagna des batailles,

Souviens - toi qu’Apo1lon bãtissait des murailles, Et ne t’étonne pas si Mars est jardinier. La Bruyère dit d’un fleuriste qui ne peut quitter son jardin : « Il apris racine au milieu de ses tulipes. »-Un jour que Boileau avait l’air de blzlmer quelques personnes qui jouaient aux cartes : « Il vaut mieux jouer-que médire », dit l’un des joueurs on faisant une allusion piquante aux médisances que renferment les poésies du satirique. - Voiture jouait au proverbe avec des dames ; il en fit un qui ne plut pas = « Celui-la ne vaut rien, dit une dame, perce ;-nous-en d’un autre. » Elle faisait une allusion malicieuse à la profession du père de Voiture, qui était marchand de vin..

Dans ces vers du Britanmcus de Itacine (IV, 4), où Narcisse révèle à. Néron ce qu’on ose dire de lui à sa cour : Pour toute ambition, pour vertu singulière, › Il excelle à conduire un char dans la carrière, ’ A disputer des prix indignes de ses mains, A se donner lui-même en spectacle aux Romains, Louis XIV, dit-on, vit une allusion a l’habitude qu’il avait prise, dans les premières années de son rogne, de figurer dans les ballets, fêtes et carrousels qu’il donnait à la cour, et il y renonça. La tragédie d’Es£her était tout entière une allusion : on fit des rapprochements entre Esther et M“’°’de Maintenon, Vasti et M’“ de Montespan, Aman et Louvois, Assuérus et Louis XIV, les filles de Sion et les orphelines de S’-Cyr, la prescription des Juifs et la révocation de l’édit de Nantes. Au reste, les œuvres dramatiques ont été, de tout temps, surtout les comédies, remplies d’allusions à deš faits contemporains. C’est par allusion qu’un avocat consciencieux a été nomme Monsieur Phénix ; un notaire fripon, Monsieur Scrupule ; une précieuse, Mademoiselle de Lépine ; un huissier. Grappin : un intendant, Monsieur Rúfle ; un vieux procu¿ reur, Renard ; une preteuse sur gages, Madame la liessotirce ; un spadassin, Bretlemiille ; un marchand de vin, Mélange, etc. Dans la tragédie de Caius Gracchus, par M.-J. Chénier, représentée sous la Terreur, ces mots du tribun romain : Des lois, et non du sang ! furent saisis comme une allusion courageuse. L’allusion tient à la fois de Pallégorie et de Pénigme ; de Pallégorie, en ce qu’elle dit une chose pour en faire entendre une autre ; de Pénîgme, en ce qu’elle doit être devinée ; mais elle dílïère de l’énigme, en ce que celle-ci est essentiellement obscure, au lien que l’allusion doit pouvoir être saisie it l’instant même. L’allusion s’appelait ainígma (sens couvert chez les Grecs, qui donnaient plutôt le nom de grip tes à. ce que nous appelons énigme. P. ALLUVION (Terrains d’), terrains qui se forment sur les bords des cours d’eau, soit par des dépôts de limon le long des rives, soit par un déplacement du lit de ces cours d’eau. En règle générale, l’alluvion profite au propriétaire riverain ; si l*État juge qu’elle générait le lit du cours d’eau en obstruant la navigation, ou qu’elle causerait des inondations en arrêtant l’écoulement des eaux, il peut la faire enlever, saut’indemnité. Toute ile qui se forme dans un cours d’eau non navigable et non flottable appartient aux riverains du côté où elle se trouve ; si elle n’est pas d’un seul côté, les propriétaires des deux rives la partagent suivant une ligne supposée au milieu du cours d’eau. Toute lle qui se forme dans une rivière navigable et flottable appartient à l’l-ltat. Quand un cours d’eau enlève «subitement une portion considérable d’un champ riverain, le propriétaire peut la revendiquer partout où elle s’est arrêtée, pourvu que ce soit dans l’année, ou au moins avant que le propriétaire de la terre a laquelle elle a adhéré en ait pris possession. Un cours d’eau se formant un bras nouveau, le propriétaire du champ qu’il a ainsi embrassé conserve tous ses droits. Si le cours d’eau se forme un nouveau lit, les proprié-