Page:Bacon - Œuvres, tome 1.djvu/314

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qui leur a donné cœur ; ils espéroient que la longueur du voyage empêcherait de les soupçonner de calomnie. Bon, répartit Alexandre, voilà de ces arguties d’Aristote qui servent à défendre le pour et le contre. Cependant cet art là même qu’il critiquoit dans les autres, il savoit fort bien s’en prévaloir dans l’occasion et l’employer à son avantage. C’est ce qu’il fit contre Callisthènes qu’il haïssoit secrettement, parce que ce philosophe ne goûtoit point du tout son apothéose. Voici comme la chose se passa. Les convives, dans un festin, invitant le philosophe, qui passoit pour un homme très éloquent, à choisir un sujet à volonté et à le traiter sur-le-champ par forme de divertissement ; Callisthènes y consentit, et prenant pour sujet l’éloge des Macédoniens, il le traita si éloquemment, qu’il fut universellement applaudi. Alexandre, à qui ces applaudissemens ne plaisoient point du tout, lui dit : il n’est pas bien difficile d’être éloquent dans une bonne cause ; mais prends un