Page:Bacon - Œuvres, tome 12.djvu/115

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et semble n’être tout au plus qu’un talent de comédien ; la mettre au dessus de l’invention, de l’élocution et de toutes ces autres parties qui paroissent beaucoup plus nobles ; que dis-je, la désigner seule, comme si, dans un orateur, elle étoit le tout. Mais cette préférence n’étoit que trop fondée ; il entre dans la composition de la nature humaine (de l’esprit humain) beaucoup plus de folie que de sagesse, En conséquence, les talens qui se rapportent à la partie folle

    au fond même du discours. Tout orateur qui n’emploie que de bonnes raisons pour persuader des hommes déraisonnables, ne sait pas son métier, et n’est guère plus raisonnable que ses auditeurs. Il faut donner aux sots les sottes raisons, dont ils se paient, en réservant les bonnes pour les gens d’esprit. Car la logique de l’orateur n’est pas l’art de raisonner avec justesse, mais l’art d’ajuster ses raisonnemens aux gens à qui l’on parle. Et quand il me s’agit que de persuasion, un sophisme qui persuade est beaucoup plus vrai qu’une démonstration rigoureuse que personne n’éconte ; tout est relatif, et la vérité même n’est pas vraie, quand on la dit mal à propos.