Page:Bacon - Œuvres, tome 15.djvu/27

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
22
DE LA SAGESSE

ment ; car, en lui laissant la faculté de prédire avec justesse, il lui ôta celle de persuader ; en sorte que, depuis cette époque malgré la vérité de ses prédictions, personne n’y ajoutoit foi : disgrace qu’elle éprouva dans une infinité d’occasions, et sur-tout relativement à la ruine de sa patrie qu’elle avoit su prédire, sans que personne eût daigné l’écouter ou la croire.

Cette fable paroît avoir été imaginée pour montrer l’inutilité des conseils les plus sages, donnés avec une généreuse liberté mais mal-à-propos et sans les ménagemens nécessaires elle semble désigner ces individus d’un caractère âpre, difficile et opiniâtre, qui ne veulent point se soumettre à Apollon, ou au dieu de l’harmonie, ne prenant ni le ton, ni le mode, ni la mesure des personnes et des choses (qui, dans leurs discours ne savent régler ni leur ton ni leur style, sur la disposition des auditeurs), en un mot, qui ne savent point chanter sur un ton pour les oreilles savantes, et sur un autre