Page:Bacon - Œuvres, tome 6.djvu/354

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me, comme tout ce que nous jugeons est mêlé de bien et de mal ; pourquoi vouloir juger de face le visage qu’on n’a vu que de profil ? La cause essentielle ou la forme de la plupart des erreurs où des équivoques, est de prendre la partie pour le tout, et d’attribuer à ce tout qu’on ne connoît pas, ce qui ne convient qu’à la partie qu’on connoît ; ou, si l’on connoît suffisamment le tout, d’attribuer à ce tout qu’on n’envisage pas complètement, ce qui ne convient qu’à telle de ses parties qu’on envisage : genre de sophisme dont la cause la plus ordinaire est ou la paresse, qui, allant au plutôt fait, veut tout savoir en devinant de fort loin ce qu’il faudroit prendre la peine d’observer de fort près ; ou une passion plus active, qui fait que, s’attachant trop à certaine partie qui plaît ou déplaît excessivement, on veut juger du tout par la considération de cette seule partie qui frappe l’imagination.

C’est parce qu’on s’occupe trop d’une partie de son corps ; qu’on est mal sain.

C’est parce qu’on s’occupe trop de soi, qu’on est vicieux.

C’est parce que le prince ou le magistrat s’occupe trop de lui-même et des siens, que l’état est mal gouverné.

C’est parce que telle partie de l’Europe s’ocupe trop d’elle-même, ou en occupe trop les au-