Page:Baillet - La Vie de monsieur Des-Cartes, première partie.djvu/188

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dans Pappus et dans Diophante, qui certainement n’en avoient pas été les prémiers inventeurs. Mais il ne croyoit pas ces sçavans hommes exemts de la jalousie, qui empêche souvent la communication des meilleures choses. Il les jugeoit capables d’avoir supprimé cette science qu’ils avoient reçuë des anciens, par la crainte de la rendre méprisable en la divulguant, sous prétexte qu’elle étoit trés-simple et trés-facile.

Et il leur sçavoit mauvais gré de n’avoir voulu substituer à la place de cette véritable science que des véritez séches et stériles, qu’ils produisoient comme des démonstrations et des conséquences tirées des principes de cette vraye science, afin de les faire admirer comme des effets de leur art merveilleux : au lieu de montrer l’art en lui même pour ne dupper personne, et faire cesser l’admiration des simples.

M Descartes ne fut pas le prémier qui s’apperçût du mauvais état où étoit cette science des anciens, et des abus qu’y avoient commis ceux qui l’avoient reçuë d’eux d’une maniére toute unie et toute simple. Il s’étoit trouvé dés le commençement de son siécle de trés-grands esprits, qui avoient tâché de la faire revivre sous le nom barbare d’algébre , et qui avoient vû que pour y réussir il falloit la dégager de cette prodigieuse quantité de nombres et de figures inéxplicables, dont on a coûtume de la surcharger.

Les pensées qui lui vinrent sur ce sujet lui firent abandonner l’étude particuliére de l’arithmétique et de la géométrie, pour se donner tout entier à la recherche de cette science générale, mais vraye et infaillible, que les grecs ont nommée judicieusement mathesis , et dont toutes les mathématiques ne sont que des parties. Aprés avoir solidement considéré toutes les connoissances particuliéres que l’on qualifie du nom de mathématiques, il reconnut que pour mériter ce nom, il falloit avoir des rapports, des proportions, et des mesures pour objet. Il jugea delà qu’il y avoit une science générale destinée à expliquer toutes les questions que l’on pouvoit faire touchant les rapports, les proportions et les mesures, en les considérant comme détachées de toute matiére : et que cette science générale pouvoit à trés-juste titre porter le nom de mathesis où de mathématique u