Page:Baillet - La Vie de monsieur Des-Cartes, première partie.djvu/339

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es reçût le présent que M Morin professeur royal des mathématiques lui fit du livre des longitudes célestes et terrestres nouvellement imprimé In Quarto à Paris. Il en avoit déja ouy parler au P Mersenne, à qui il avoit écrit qu’il apprendroit avec plaisir l’histoire de ce nouvel ouvrage d’un de ses anciens amis ; et qu’il seroit curieux de sçavoir, si M Morin, qui sembloit être extraordinairement suscité pour rétablir l’honneur de l’astrologie (même de la judiciaire s’il eût été possible), seroit capable de mettre cette science en quelque estime parmi les gens de cour. M Descartes n’eût pas plûtôt reçû ce livre qu’il en écrivit une lettre de remerciment à l’auteur, sans attendre qu’il en eût fait la lecture. Il en usa ainsi par la crainte de blesser sa conscience, et d’aller contre sa sincérité ordinaire dans le compliment qu’il lui en vouloit faire. Il se contenta de lui mander que la peine qu’il avoit prise pour trouver les longitudes ne méritoit rien moins qu’une récompense publique. Mais, dit-il, comme les inventions des sciences sont d’un si haut prix, qu’elles ne peuvent être payées ce qu’elles valent avec de l’argent : il semble que Dieu ait tellement ordonné le monde, que cette sorte de récompense n’est communément réservée que pour des ouvrages méchaniques, ou pour des actions basses et serviles.

Ainsi, ajoute-t’il, je suis persuadé qu’un artisan qui auroit fait de bonnes lunettes en pourroit tirer beaucoup plus d’argent que moy de toutes les réveries de ma dioptrique, si j’avois dessein de les vendre. M Descartes qui étoit assez ennemi de la flaterie et peu prodigue d’éloges ne s’est point démenti dans ce compliment, puis que ce qu’il y avançoit d’avantageux à M Morin, retomboit plûtôt sur la bonne volonté de l’auteur et le dessein de l’ouvrage, que sur le succés de l’éxécution. M Morin croyoit avoir fait un chef-d’ œuvre d’astronomie, et il ne croyoit pas qu’on pût commettre d’excés dans les loüanges qu’on auroit voulu lui donner : mais il ne trouva point autant de complaisance parmi les mathématiciens de Paris, que dans M Descartes. Il avoit prié M Mydorge, M Boulanger, M De Beaugrand, et M Gassendi, d’éxaminer son livre, et de luy en dire leur sentiment.

Mais sa résignation à leur discernement n’étoit point sans réserve ; et pour n’en