Page:Baillet - La Vie de monsieur Des-Cartes, première partie.djvu/348

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Il y avoit huit ans achevez qu’il vivoit retiré en Hollande, où il s’étoit trouvé autant seul et dégagé au milieu des peuples du plus grand commerce, que s’il avoit été dans les deserts les plus écartez. La longueur de ce terme sembloit fournir de justes prétextes aux reproches que luy faisoient ceux qui n’avoient consenti à son éloignement de Paris que pour récuëillir les fruits de sa solitude. D’ailleurs le nombre de quarante années de vie luy avoit acquis une maturité d’esprit capable de le mettre à couvert de tout ce qu’on a coûtume d’alléguer contre la précipitation des jeunes gens qui veulent paroître auteurs avant l’ âge. Ces considérations le portérent à mettre en ordre ce qu’il trouvoit parmi ses papiers qui lui paroissoit le plus en état de voir le jour : et dés qu’il fut arrivé de Frise à Amsterdam, il fit sçavoir au Pére Mersenne que c’étoit tout de bon qu’il alloit se faire auteur, et qu’il n’étoit venu en cette ville que dans le dessein d’imprimer. Il y avoit long-têms que les Elzeviers soit par compliment soit par un sérieux empressement lui faisoient témoigner qu’ils s’estimeroient fort honorez de pouvoir être ses libraires. Appuyez sur ce qu’il leur avoit toujours fait répondre avec civilité, et qu’il ne leur avoit point paru rejetter leurs propositions, ils le virent tranquillement à Amsterdam sans se soucier de le prévenir : et présumant qu’il ne leur échapperoit pas, ils voulurent le laisser venir, et parurent avoir envie de se faire prier. M Descartes crut avoir pénétré d’abord dans leur esprit ; et il se résolut sur l’heure de se passer d’eux. Il pouvoit choisir d’autres libraires dans Amsterdam, à Leyde, où dans telle autre ville de Hollande qu’il luy auroit plû : mais avant que de rien déterminer, il voulut en délibérer avec le P Mersenne qui tenoit son conseil à Paris. Il manda à ce pére qu’il étoit prêt de luy envoyer ses écrits, s’il jugeoit qu’ils pussent être imprimez à Paris plus commodément qu’en Hollande, et s’il vouloit bien prendre soin de l’impression selon les offres obligeantes qu’il luy en avoit faites autrefois. Dans cette supposition il le prévint sur les fautes nombreuses d’ortographe et de ponctuation qu’il auroit à corriger, et sur les figures tracées de sa main, c’est-à-dire assez mal, qu’il auroit à rectifier, et à faire comprendre au graveur de Paris.