Page:Bainville - Heur et Malheur des Français.djvu/103

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frères Lameth qui s’étaient assis au fameux « comité autrichien » ? Leur plan a été défini de la manière suivante par un historien qui n’est ni hostile à la Révolution ni même mêlé à nos querelles[1] : « Ils s’étaient entendus avec l’Empereur, estimant que, comme allié de la France, il avait tout intérêt au rétablissement de l’ordre et la fin de la Révolution dont l’Angleterre et la Prusse seules profitaient. Ils s’étaient opposés de toutes leurs forces à la guerre, et, celle-ci une fois déclarée, avaient essayé, non de livrer la France à l’ennemi, mais de lui rendre la paix au moyen de négociations avec l’Empereur, de lui assurer la tranquillité, un régime stable et son ancienne puissance, en frappant, avec l’appui moral de la cour de Vienne, les ultras des deux côtés. » Louis XVI et Marie-Anntoinette n’ont eu d’autre intention, d’autre désir, d’autre calcul que ces hommes du juste-milieu.

Les Girondins connurent à leur tour l’amertume d’être accusés de haute trahison lorsque Dumouriez, leur grand homme, fut passé aux Autrichiens. Désormais, sur la destinée de la Révolution, sur le cours de sa politique, sur les tendances et les décisions de sa diplomatie, par conséquent, sur le sort de la France, pèseront et une préférence invincible pour la Prusse et, envers l’Autriche, une inimitié accrue des rancunes de nos guerres civiles, de l’exécration vouée à la puissance qui symbolisait la cause des prêtres et des rois. Comme Dumouriez et comme Brissot, Danton appellera la Prusse « notre alliée naturelle ». C’est avec la Prusse que la Révolution, inconsolable du malentendu de 1791, cherchera à s’entendre, c’est la Prusse qu’elle tâchera de détacher de la coalition. Le Comité de Salut public enverra ces instructions à Barthélemy pour la paix de Bâle : « Il est temps que l’Allemagne soit délivrée de l’oppression de l’Autriche et que cette maison, dont l’ambition, depuis trois siècles, a été le fléau de l’Europe, cesse d’en troubler le repos. En méditant bien l’état de l’Europe, tu auras sûrement reconnu que la Prusse et la France doivent se réunir contre l’ennemi commun. C’est le but principal de la négociation, celui auquel tu dois tendre. » Avec plus de naïveté encore,

  1. C’est un étranger, M. Gœtz-Bernstein, auteur d’une étude sur la Diplomatie de la Gironde (1912).