Page:Bainville - Heur et Malheur des Français.djvu/121

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

de 1815 en face d’une France révolutionnaire, les puissances redoutèrent le recommencement de la guerre de propagande et de prosélytisme. Le pacte de Chaumont se reforma sur le champ. La France qui, la veille encore, participait à la Sainte-Alliance, fut mise à l’index par les souverains coalisés. L’alliance russe, si bien engagée, fut brisée pour n’être plus reprise que de nos jours. Rien ne resta, ni des avantages acquis ni des promesses encore plus belles. Après les journées de Juillet, tout fut à refaire pour rendre à la France non seulement sa place, mais une place en Europe. Un autre Bourbon, nouveau forçat de la couronne, devait pourtant se trouver pour reprendre la tâche et pour échouer à son tour devant les mêmes passions, les mêmes erreurs de la démocratie.

Le soir du 31 juillet 1830, lorsque la solution Orléans commençait à prévaloir, Cavaignac, un des chefs de la Révolution, posait à Louis-Philippe cette question préalable « Quelle est votre opinion sur les traités de 1815 ? Ce n’est pas une révolution libérale, prenez-y garde, c’est une révolution nationale. La vue du drapeau tricolore, voilà ce qui a soulevé le peuple, et il serait certainement plus facile de pousser de Paris sur le Rhin que sur Saint-Cloud. »

Ces paroles témoignent clairement que la raison profonde de la Révolution de Juillet était la rancune, l’obsession laissée par les traités de 1815. Quand ils chassaient Charles X, les Parisiens songeaient moins à conquérir la liberté politique qu’à poursuivre au dehors le programme révolutionnaire et napoléonien, à qui le « testament de Sainte-Hélène » avait donné la force d’un évangile. C’était un premier essai pour imposer ce que M. Émile Ollivier, qui devait en être le serviteur, a pompeusement nommé « la politique que le peuple élaborait depuis 1815 ».

Choisi, « quoique Bourbon », pour le trône d’une nouvelle monarchie constitutionnelle, Louis-Philippe, justement parce qu’il était un Bourbon, ne devait pas permettre que la France courût au suicide. À peine avait-il commencé de régner que le malentendu, le conflit renaissaient. Louis-Philippe, la postérité a fini par le reconnaître, a épargné à la France une catastrophe en 1840. Il a sauvé notre pays en 1914 en aidant à constituer une Belgique indépendante, en faisant reconnaître la neutralité du nouvel État belge tel a été, comme l’a dit le duc de Broglie,