Page:Bainville - Heur et Malheur des Français.djvu/128

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un déplacement de l’équilibre des forces dans l’Europe centrale.

À ce moment, en effet, une agitation nouvelle, fomentée d’ailleurs par Palmerston, paraissait en Italie. Guizot et Louis-Philippe étaient sagement opposés à l’unité italienne. Il n’était plus à craindre, comme quelques années auparavant, que l’Autriche s’emparât de la péninsule entière. Là encore, l’Autriche et la France pouvaient s’entendre. On s’accorda dans les conditions les plus adroites et les plus prévoyantes. L’Autriche était suspecte en Italie : c’est à la France que serait confiée la pacification italienne. La France était redoutée en Allemagne : c’était l’Autriche qui se chargerait d’y rétablir l’ordre. Programme excellent, et dont on peut d’autant mieux apprécier l’excellence, que c’est exactement le programme inverse qu’exécutera Napoléon III en 1859 et en 1866 et qui nous conduira au désastre de 1870…

« Tenir bon », tel était le mot d’ordre de Metternich en février 1848. À ce moment, la situation de la France en Europe était des plus favorables. La France se trouvait dans la meilleure posture pour attendre les événements. 1830 et 1840 étaient effacés. Le tsar lui-même fléchissait dans son opposition à la monarchie de Juillet. Comme on l’a écrit, la France aux premiers jours de 1848 « avait reconquis la faculté de faire au dehors de la grande politique ».

C’est alors qu’éclate une révolution qui demande autant de « réformes » au dehors qu’au dedans, qui s’insurge autant contre la politique extérieure que contre la politique intérieure, qui proclame le droit des peuples bien plus même que le droit du peuple français, révolution qui est internationale, qui est allemande, qui est italienne, qui est polonaise, quoiqu’elle éclate à Paris, et qui affirme son caractère et sa volonté en commençant sous les fenêtres du ministère des Affaires étrangères, boulevard des Capucines, aux cris de : Vive la Pologne ! et de : Vive l’Italie ! pour protester contre la politique de Louis-Philippe et de Guizot. La révolution se fait en apparence contre les partisans du suffrage restreint, suffrage ni plus éclairé ni plus désintéressé que le suffrage universel, certainement moins malléable et moins docile, on venait d’en faire l’expérience. La révolution se fait en réalité contre ce que Carrel avait appelé « l’imperti-