Page:Bainville - Heur et Malheur des Français.djvu/229

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avec l’Autriche : dès lors le déclin de son règne commença.

La campagne d’Italie laissait, avec une œuvre inachevée, tout le monde insatisfait et meurtri. Qu’était-ce que cet État italien agrandi, mais arrêté et surveillé dans son essor et à qui l’on n’avait fait espérer l’unité que pour la limiter, ce qui revenait à la lui interdire ? Du moment qu’il y avait une Italie, il lui fallait Rome. Mais alors c’était une nouvelle question qui se posait : celle de la clientèle catholique de la France à l’extérieur, celle des électeurs catholiques de l’Empire au-dedans. Tout à coup, la politique de Napoléon III, qui n’avait connu jusque-là que des facilités et des succès, se trouvait en présence d’une infinité de problèmes. La première application du principe des nationalités soulevait des antinomies : l’Empire allait s’épuiser à vouloir les résoudre.

Désormais, tout ce que tente Napoléon III pour sortir d’affaire et redresser la situation est frappé d’insuccès et ne sert qu’à lui faire perdre pied davantage. Il veut se conformer à la raison d’être de son règne, à son programme, à son nom, « symbole de gloire et de nationalité ». Mais, instruit par ses inquiétudes de 1859, il n’ose plus rien pousser à fond. Alors il recommence un peu partout ses fautes d’Italie, esquissant les choses pour les abandonner, créant plus de rancunes que de gratitudes, se rapprochant un jour du tsar pour défendre les Slaves des Balkans, l’irritant en soutenant la cause polonaise pendant la révolte de 1863, tandis que Bismarck, toujours à l’affût des erreurs d’autrui, s’emparait de cette occasion pour faire de nouveau sa cour à la Russie. A la fin, désespérant de trouver un succès en Europe, et sentant que, de mois en mois, il s’engageait davantage dans l’imbroglio qu’il avait créé, Napoléon III concevait l’expédition du Mexique, comme un moyen de donner à la France, et à peu de frais, la gloire qu’elle attendait du régime. Pour détourner les esprits des déceptions naissantes, nos forces militaires allaient être en partie dérivées vers une entreprise stérile qui nous vaudrait par surcroît l’hostilité des États-Unis. Cependant, ces agitations avaient mécontenté et alarmé l’Angleterre. Par un lamentable résultat qui démentait toutes les promesses du règne, les traités de 1815 subsistaient dans ce qu’ils avaient de pénible pour nous, et la France était condamnée à se trouver seule à l’heure du danger.