Page:Bainville - Heur et Malheur des Français.djvu/292

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négocier entre eux. L’âge, que nous aurons encore connu, de la pentarchie ou de l’hexarchie européenne, est sans doute un âge révolu. Le monde entier, avec de jeunes Empires qui naguère se tenaient à l’écart des affaires d’Europe, est impliqué dans cette guerre immense. Quelle sera la place, quelle sera la politique de la France dans cet univers nouveau ?

Car il faudra avoir une politique. L’illusion qu’une fois la paix, une bonne paix obtenue, tout ira de soi-même, est la pire des illusions. Si, dans cette grande mêlée de forces et d’intérêts, la France n’apportait que le petit bagage de formules qu’elle tient de la démocratie libérale, elle serait bien dépourvue. Au cours de ces années terribles, nous avons vu renaître, tels qu’ils étaient au milieu du siècle dernier, les rêves et les idées qui, alors, avaient si cruellement desservi le peuple français. Principe des nationalités, Société des Nations, guerre aux autocraties et aux puissances réactionnaires, confiance aux peuples et au progrès : voilà de vieilles connaissances. Ces idées, il est vrai, n’ont plus l’attrait sentimental qu’elles ont exercé chez nous sur une autre génération. Un réalisme acquis par de dures épreuves les tolère par une sorte de respect humain, et s’en impatiente souvent. Elles font partie d’un verbalisme conventionnel qui n’a qu’une force de propulsion très faible, et qui, au jour de l’application pratique, s’il ne devait être corrigé par les faits, comporterait moins d’avantages que de déceptions et de dangers.

Ce qui a échoué, ce qui a causé tant de maux dans le passé, comme nous avons essayé de le montrer par ce livre, ne pourra pas être heureux ni bienfaisant dans l’avenir. La démocratie ne deviendra pas plus prévoyante. Les lois de la vie n’auront pas changé. L’espèce humaine non plus. Seulement, la concurrence sera peut-être plus âpre et les rapports entre les nations plus complexes. Un petit nombre de principes simples et assurés, d’axiomes de bon sens, pareils à ceux qui avaient fait grandir la France d’autrefois et qui la protégeaient, seront aussi la ressource de l’avenir. Comme l’avait dit, à une date critique, un Français qui n’a jamais été si bien inspiré que ce jour-là, il n’y a pas de vieille politique, il n’y en a pas de neuve il y a la politique éternelle.