Page:Bainville - Heur et Malheur des Français.djvu/347

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savait frapper fort et frapper juste. À la bataille de Taillebourg, en 1242, il avait brisé le dernier retour offensif des Plantagenets. On a admiré que, parti pour délivrer Jérusalem, il fût allé, comme Bonaparte, droit en Égypte, clef de la Palestine et de la Syrie.

Cette expédition tourna mal. C’était la fin des croisades et le royaume chrétien de Jérusalem ne pouvait plus être sauvé. Saint Louis fut fait prisonnier par les Mameluks après des combats chevaleresques et ne recouvra sa liberté qu’en payant rançon. Sa mère, vieillie, le rappelait en France, inquiète de l’anarchie des Pastoureaux : c’était encore un de ces mouvements révolutionnaires compliqués de mysticisme qui revenaient périodiquement. La bourgeoisie des villes se chargea de l’écraser. Tout était rentré dans l’ordre au retour de Louis IX.

Son vœu, sa croisade, son échec, avaient encore épuré son âme. Il fut alors lui-même et mit la justice et la moralité à la base de son gouvernement. On ne l’a pas toujours compris. De son temps même, il ne manquait pas de gens pour le trouver un peu exalté. Lorsqu’il décida, lui, le vainqueur de Taillebourg, de rendre au roi d’Angleterre de magnifiques provinces françaises du Sud-Ouest, ce fut de l’indignation. La postérité s’en est étonnée elle-même, car le propre de l’histoire est d’être presque toujours mécontente et de reprocher aux uns leur avidité, aux autres leur désintéressement. Louis IX a expliqué lui-même cette restitution par des raisons naturelles. Il voulait, entre lui et son cousin d’Angleterre, mettre fin à l’état de guerre, amener un apaisement véritable. En somme, Louis IX transigeait avec Henri III. S’il lui rendait des provinces, Henri III renonçait à revendiquer celles qu’il avait perdues, notamment la Normandie, ce qui était important puisque les Plantagenets avaient refusé jusque là de regarder comme définitives les annexions de Philippe Auguste. En outre, Henri III reconnaissait la suzeraineté du roi de France sur la Guyenne et les territoires rétrocédés. C’était donc un marché, c’était l’arrangement qui vaut mieux qu’un procès : la pensée de saint Louis était politique et non pas mystique. Il portait seulement plus haut que les autres Capétiens la tendance de sa maison qui était de mettre le bon droit de son côté. Certes, il s’est trompé s’il a cru qu’il assurait pour toujours la paix avec l’Angleterre.