Page:Bainville - Heur et Malheur des Français.djvu/357

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qu’il maria son second fils, Philippe le Long, à l’héritière de Bourgogne, et qu’il garda, de la dure entreprise de Flandre, Lille, Douai et Orchies. C’était, au milieu des pires difficultés, un des plus grands efforts d’expansion que la France eût accomplis depuis le premier Capétien. Que les intérêts particuliers en aient souffert, ce n’est pas ce qui doit nous surprendre. Pourquoi l’histoire malveillante n’a-t-elle retenu que leurs plaintes ? Les progrès territoriaux, l’autorité croissante de la France exaltaient au contraire les esprits désintéressés. C’est alors que Pierre Dubois composa son fameux mémoire sur la politique française et le rôle européen de la Monarchie et lui montra la route du Rhin.

Nous l’avons déjà remarqué et nous le remarquerons encore : les hommes de ce temps-là étaient plus difficiles à gouverner que ceux du nôtre. De nos jours, l’uniformité de l’administration a rendu la tâche du pouvoir relativement aisée. Au Moyen Âge, les individus pouvaient encore braver l’État et les ligues de mécontents le tenir en échec. Il se forma de ces ligues à la fin du règne de Philippe le Bel et il y entrait des nobles, des clercs, aussi bien que des bourgeois. Lorsque Philippe IV mourut, en 1314 (il n’avait que quarante-six ans), le royaume était étrangement troublé. L’indiscipline était générale.

Louis X fut surnommé Hutin, non qu’il fût querelleur ou batailleur comme on l’a cru, mais parce que son avènement survint dans ce temps de tumulte (hutin) et de désordre. L’histoire ne s’arrête pas à ce règne : elle a tort. Une clef des grands événements qui vont suivre est là. Le contribuable est révolté. Il refuse son argent. Il faut veiller à la dépense : on fera des économies sur la marine, dispendieuse de tout temps et soignée par Philippe le Bel comme la condition de notre réussite. Les ligues assiègent le jeune roi de réclamations insolentes. Toute l’œuvre politique et administrative des règnes précédents est en péril. Pour la sauver, Louis X doit calmer les mécontents, plier la voile devant la tempête. Il recourt même à la démagogie et sacrifie l’homme qui incarne le dernier gouvernement, ce Le Portier, bras droit de Philippe le Bel, qui est resté célèbre sous le nom d’Enguerrand de Marigny et qui était l’objet d’une impopularité formidable parce qu’il n’avait pas résisté à la tentation de s’enrichir. Peuple, bour-