Page:Bainville - Heur et Malheur des Français.djvu/410

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France à reprendre ses frontières du côté du Rhin. L’achèvement de notre unité sur les points où elle était encore le plus imparfaite devient un dessein tout à fait net sous Henri II. Au début du nouveau règne, les nouvelles d’Allemagne étaient mauvaises pour nous. Charles-Quint tentait ce que les rois de Prusse n’obtiendront que quatre siècles plus tard : devenir le maître dans une Allemagne unifiée, transformer l’Empire électif en monarchie héréditaire. L’Allemagne était alors une mosaïque de principautés et de villes libres. Sa constitution, définie par la Bulle d’Or, était à la fois aristocratique et républicaine. Charles-Quint commença par priver les villes de leur indépendance, puis il passa aux princes. L’année même de l’avènement de Henri II, l’électeur de Saxe fut battu à Muhlberg. Sans un secours du dehors, les princes allemands succombaient, la maison d’Autriche centralisait et gouvernait l’Allemagne. Alors Charles-Quint eût été bien près de réaliser son rêve, de dominer l’Europe. Il fallait se hâter pour prévenir ce péril. Auprès des Turcs, auprès du pape, auprès de la République de Venise, auprès des princes italiens et des princes allemands, partout où elle put trouver des adversaires de l’empereur, la diplomatie française fut à l’œuvre.

Une circonstance favorable pour nous, c’était que la Réforme n’avait pas encore sérieusement troublé la France, tandis que l’Allemagne et l’Angleterre étaient déchirées par le conflit des religions. Par là, l’Angleterre fut empêchée d’intervenir dans les affaires continentales. Tandis que la politique française liait partie avec les protestants d’Allemagne, elle soutenait les catholiques anglais. Une sœur des Guise, de la maison de Lorraine, cette famille déjà influente et qui va jouer un si grand rôle chez nous, avait épousé le roi d’Écosse. Sa fille, Marie Stuart, était demandée par Édouard VI. Conduite en France, elle épousa le dauphin. De même, Philippe II épousait Marie Tudor : la France et l’Espagne cherchent également à agir par le catholicisme sur l’Angleterre divisée à son tour par la religion. Pour nous, l’avantage de ces luttes religieuses et politiques, c’est que les Anglais ne seront plus à craindre. Boulogne, perdue à la fin du dernier règne, fut reprise en attendant que Calais le fût.

Henri II avait eu raison d’ajourner la reprise des hostilités