Page:Bainville - Heur et Malheur des Français.djvu/438

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La Ligue subsistait, mais son pouvoir politique était diminué, son organisation affaiblie. En frappant la démagogie, Mayenne rendait service à Henri IV, s’il croyait ne travailler que pour lui-même. D’ailleurs, le temps passait et, ni d’un côté ni de l’autre, on n’arrivait à rien. On couchait sur ses positions. Henri IV, repoussé de Paris, avait, dans les mêmes conditions, échoué devant Rouen qui ne voulait pas non plus de « roi hérétique ». Cette impuissance des deux camps engendrait la lassitude qui, elle-même, conduisait à des tentatives de rapprochement. Le parti des politiques, le tiers parti, commençait à dire tout haut que le mieux serait de s’entendre avec le roi de Navarre. Mais la difficulté était toujours la même, car Henri IV voulait être reconnu sans conditions. Déjà résolu à « sauter le pas », à se convertir, il voulait que son abjuration fut volontaire. Il entendait ne devoir la couronne qu’à la légitimité et ne laisser la monarchie dépendre de rien ni de personne, ni de la religion, ni du pape, ni de l’autorité usurpés par une ligue. Toute sa manœuvre tendit à préserver l’indépendance du pouvoir royal et à éviter jusqu’aux apparences d’une constitution imposée par les ligueurs.

Pour que sa légitimité l’emportât, il fallait une dernière expérience : c’était que la Sainte-Union fût reconnue incapable de fonder un gouvernement régulier. Les États Généraux de 1593, convoqués pour l’élection d’un roi, aboutirent à un échec complet. Là encore, ce fut le duc de Mayenne qui, sans le vouloir, aida Henri IV. Désireux de prendre pour lui-même la royauté vacante et d’écarter l’infante dont la candidature était posée par Philippe II, protecteur de la Ligue, Mayenne adressa un appel aux royalistes et leur demanda de participer aux États. Henri IV saisit cette occasion pour affirmer ses droits et annoncer qu’il était prêt à se convertir. Cette nouvelle, lancée à point, produisit une sensation immense. Parmi les ligueurs, le groupe des politiques fut encouragé. L’élan, la faveur publique passaient de leur côté et le pamphlet que rédigeaient quelques-uns d’entre eux, polémistes et journalistes de talent, la célèbre Satire Ménippée, ridiculisait les intransigeants et rendait odieux leurs alliés espagnols. Même dans les États ligueurs, la résistance à l’intervention étrangère grandit. Des voix s’élevèrent pour protester contre l’abrogation de la loi salique, et la