Page:Bainville - Heur et Malheur des Français.djvu/509

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fiant au prestige de la raison, il eut l’idée d’adresser à Marie-Thérèse une lettre confidentielle où il lui représentait qu’il n’était ni de l’intérêt de la France, ni de l’intérêt de l’Autriche, de continuer la lutte. Marie-Thérèse, par rancune, commit la faute de publier cette lettre, soulevant en France l’indignation contre Fleury et contre elle-même, rendant la réconciliation plus difficile puisque son mauvais procédé, son orgueil accroissaient chez nous l’impopularité de la maison d’Autriche. Il est vrai qu’à ce moment elle comptait sur une victoire complète. Belle-Isle, isolé en Bohême, dut ramener son armée en plein hiver avec de lourdes pertes. Chevert, bloqué à Prague, capitula. Les brillants succès du début tournaient au désastre et ce fut en France un concert de récriminations qui s’adressaient à tout le monde et qui accrurent le trouble de l’opinion publique.

Le pire était que nous ne pouvions plus sortir de cette guerre. Les diversions classiques qui furent tentées, par la Suède, par l’Italie, ne réussirent pas. Au commencement de 1743, lorsque Fleury mourut, accablé de chagrin et d’années, nos affaires allaient mal. L’Angleterre avait en Allemagne une armée, constituée d’autant plus facilement que le roi George était en même temps électeur de Hanovre. Les Anglo-Hanovriens réussirent à donner la main aux Autrichiens après la bataille de Dettingen. Nos troupes durent évacuer l’Allemagne, repasser le Rhin, et, repliées sur les défenses de Vauban, protéger nos frontières.

Il y eut alors un véritable redressement de la politique française. L’échec ouvrit les yeux. La véritable ennemie de la France, ce n’était pas l’Autriche, c’était l’Angleterre, que nous finissions toujours par trouver devant nous. C’était elle l’âme des coalitions. La France s’était donc trompée en portant la guerre en Allemagne, en travaillant directement pour l’électeur de Bavière, inférieur au rôle qu’on avait conçu pour lui, et indirectement pour le roi de Prusse, perfide et dangereux. Il fallait revenir, dans les pays allemands, à nos traditions véritables, celles du traité de Westphalie, n’y paraître qu’en protecteurs des libertés germaniques et de l’équilibre, tourner nos forces contre l’Angleterre, et, pour la chasser du continent, l’atteindre là où son alliance avec l’Autriche et la