Page:Bainville - Heur et Malheur des Français.djvu/514

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s’était plaint de Mme de Montespan. Alors, il parut beaucoup de livres, avec un immense succès, contre l’absolutisme. En pratique, le pouvoir, loin d’être absolu, était tenu en échec par les Parlements dont l’opposition aux réformes financières paralysait le gouvernement et lui rendait impossible l’administration du royaume.

Louis XIV, au début de son règne, avait, d’autorité, ramené les Parlements à leur rôle judiciaire, et, comme on était au lendemain de la Fronde, l’opinion l’avait approuvé. Nous avons vu comment la Régence, ayant eu besoin des magistrats pour casser le testament de Louis XIV, les avait rappelés à la vie politique. Ils n’en profitaient pas seulement pour refuser d’enregistrer les impôts. Ils intervenaient aussi, avec une égale passion, dans les controverses religieuses. Il y avait de longues années que durait en France une dispute autour de la bulle Unigenitus, qui n’était que la vieille dispute pour et contre le jansénisme, et les parlementaires étaient généralement jansénistes. Ces agitations de robes, ces guerres de doctrines et de plume n’avaient rien de nouveau. Elles mettaient aux prises des tendances éternelles qui s’étaient heurtées bien plus violemment au Moyen Âge et au temps de la Réforme. Quelle que fût l’illusion des contemporains, qui s’imaginaient que tout cela était sans précédents, ce qu’on a appelé les grands débats du dix-huitième siècle portait sur des sujets fort anciens.

Il s’y ajoutait toutefois un élément nouveau : la campagne des philosophes et des encyclopédistes contre la religion catholique. Il se trouva donc que les Parlements jansénistes eurent l’appui des philosophes déistes ou incrédules dans la lutte contre la bulle Unigenitus et l’Ordre des jésuites. Les Cours, conservatrices et réactionnaires quand il s’agissait des privilèges, attachées aux anciens usages, y compris la torture, se trouvèrent, pendant une quinzaine d’années, les alliées des écrivains qui, en toutes choses, demandaient des réformes et l’abolition du passé. D’autre part, le gouvernement se trouvait en présence du clergé et des catholiques qui tenaient pour la bulle, du Parlement qui associait sa résistance à la bulle à sa résistance aux réformes et aux impôts, et des philosophes qui agitaient l’opinion contre les abus dont le Parlement était le protecteur et contre la bulle qui mettait en cause la religion. On conviendra que la tâche du