Page:Bainville - Heur et Malheur des Français.djvu/524

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jansénistes, en tirant même de leur sein des ministres et des contrôleurs généraux. L’effet de cette politique était déjà usé. Il ne restait plus qu’à recourir aux grands moyens. En 1771, Maupeou, chargé de l’opération, supprima les Parlements et la cour des aides. À leur place furent institués des « conseils supérieurs ». La vénalité des charges était abolie, la justice devenait gratuite. C’était une des réformes les plus désirées par le pays. La suppression des Parlements, acte d’une politique hardie, permettait de continuer cette organisation rationnelle de la France qui, depuis des siècles, avait été entreprise par la monarchie. La voie était libre. Ce que Bonaparte, devenu Premier Consul, accomplira trente ans plus tard, pouvait être exécuté sans les ruines d’une révolution. De 1771 à 1774, l’administration de Terray, injustement décriée par l’histoire, mieux jugée de nos jours, commença de corriger les abus. Elle adoucit d’abord, avec l’intention de les abolir ensuite, les impositions les plus vexatoires ; elle organisa ces fameux vingtièmes qui avaient soulevé tant de résistances ; elle s’occupa enfin de créer des taxes équitables, telle que la contribution mobilière, reprise plus tard par l’Assemblée constituante, en un mot tout ce qui était rendu impossible par les Parlements.

Si nous pouvions faire l’économie d’une révolution, ce n’était pas en 1789, c’était en 1774, à la mort de Louis XV. La grande réforme administrative qui s’annonçait alors, sans secousses, sans violence, par l’autorité royale, c’était celle que les assemblées révolutionnaires ébaucheraient mais qui périrait dans l’anarchie, celle que Napoléon reprendrait et qui réussirait par la dictature : un de ses collaborateurs, le consul Lebrun, sera un ancien secrétaire de Maupeou. Il y a là dans notre histoire une autre sorte de continuité qui a été mal perçue.

Nous allons voir comment ces promesses furent anéanties dès le début du règne de Louis XVI par le rappel des Parlements. Alors seulement la révolution deviendra inévitable.

Lorsque Louis XV mourut, s’il y avait du mécontentement, il n’était pas incurable. S’il y avait de l’agitation, elle était superficielle. L’ancien régime avait besoin de réformes, il le savait, et l’immobilité n’avait jamais été sa devise. Que de fois il s’était transformé depuis Hugues Capet ! Sans doute le succès allait aux faiseurs de systèmes parce qu’il est plus facile de