Page:Bainville - Heur et Malheur des Français.djvu/557

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Dès l’automne, l’Assemblée s’était trouvée devant un véritable gouffre. Necker, avec ses vieilles recettes, n’était plus écouté. Le magicien d’hier avait perdu son prestige. Il fallait trouver quelque chose. On trouva ceci. Le clergé possédait des propriétés foncières considérables. Déjà Calonne avait pensé à s’en servir pour combler le déficit. Le clergé dut consentir à mettre ses biens « à la disposition de la nation » pour une opération de crédit assez semblable à celles qui avaient lieu sous l’ancien régime où l’État empruntait volontiers par l’intermédiaire des grands corps et des municipalités. Mais dès que l’Assemblée put « disposer » de cet énorme capital, la tentation lui vint de le monnayer pour sortir d’embarras d’argent pires que ceux auxquels elle s’était flattée de remédier. Les biens ecclésiastiques, grossis bientôt de ceux de la couronne et de ceux des émigrés, formèrent les biens nationaux qu’on mit en adjudication. Les assignats furent d’abord des obligations hypothécaires garanties par les biens nationaux et qui représentaient une avance sur le produit des ventes. Seulement, la valeur des terres à aliéner étant considérable (on a pu l’estimer environ deux milliards), on voulut éviter un échec et, afin d’attirer les acquéreurs, on stipula qu’ils auraient douze ans pour se libérer. Ces dispositions eurent des conséquences d’une portée historique auxquelles personne ne s’attendait.

En effet, les 400 millions d’assignats-titres émis au mois de décembre 1789 furent rapidement absorbés : les besoins du Trésor étaient immenses et toujours croissants. Dès le mois d’avril 1790, l’Assemblée franchissait une autre étape. Le clergé était purement et simplement dépossédé, en échange de quoi l’État se chargeait des frais du culte et de l’assistance publique. Les richesses dont l’Assemblée s’était emparée devaient mettre fin à toutes les difficultés financières en procurant des ressources qu’on imaginait presque inépuisables. Elles servirent à gager de nouveaux assignats qui furent, cette fois, du papier-monnaie. Les avertissements, dans l’Assemblée même, ne manquèrent pas. On rappela l’exemple désastreux de Law. Certains orateurs annoncèrent tout ce qui devait arriver, l’avilissement progressif des assignats, la misère qui s’ensuivrait. Le moyen était trop tentant et l’Assemblée n’en avait pas d’autres pour tenir ses promesses. Dès lors, la maladie