Page:Bainville - Heur et Malheur des Français.djvu/586

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plus grands dangers qu’elle ait connus. Elle a contribué à la sauver ou plutôt à différer l’heure qui reviendra à la fin du Directoire, que Napoléon Ier reculera encore, jusqu’au jour où il sera lui-même vaincu. Tout donne à croire que, dans l’été de 1793, la République eût succombé, que le territoire eût été envahi si l’Angleterre avait été prête, si elle avait soutenu les insurgés vendéens, si la Prusse, l’Autriche et la Russie n’eussent encore été occupées à dépecer la Pologne, victime substituée à la France, si elles n’eussent été distraites et divisées par la question d’Orient. Sans ce répit, la Révolution n’aurait pu écraser ses ennemis de l’intérieur. Les effets de la réorganisation militaire à laquelle se dévouait Carnot n’auraient pas pu se faire sentir et la levée en masse n’aurait été que la levée d’une cohue incapable de résister à l’effort d’une coalition.

Désespérée en juillet 1793, la situation se rétablissait en octobre par la victoire de Wattignies qui débloquait la frontière du Nord. L’insurrection vendéenne reculait, l’insurrection lyonnaise était brisée. En décembre, la Vendée sera définitivement vaincue, Bonaparte se sera signalé à la reprise de Toulon, l’Alsace sera délivrée, la Belgique nous sera ouverte encore une fois. Quelques historiens se sont demandé pourquoi la Révolution ne s’était pas modérée à ce moment-là. Ils excusent la Terreur tant que « la patrie est en danger ». Ensuite ils se voilent la face devant ses excès. Une vue plus large des nécessités devant lesquelles se trouvaient Robespierre et le Comité de Salut public rend compte de la continuation du terrorisme. On oublie que l’état des finances était toujours plus désastreux, que l’abîme se creusait encore par l’énormité des dépenses militaires. Il fallait de l’argent à tout prix : la guerre devait nourrir la guerre et c’était devenu un système de « vaincre l’ennemi et de vivre à ses dépens », de conquérir pour enrichir la République. La guerre continuant, la Terreur devait continuer aussi. Mais elle servait à autre chose : elle était un instrument de confiscation. Elle servait à prendre les biens des émigrés, à spolier les suspects et les riches, dans l’illusion, qui durait depuis la Constituante, qu’on donnerait enfin une garantie solide aux assignats.

La Terreur ne pouvait donc pas s’arrêter d’un signe. Robes-